La gare de Matadi : un bijou architectural !

Soigneusement conservée, la gare de Matadi est un édifice étonnant dont la majesté impressionne encore. Construite au pied des collines à quelques enjambées du fleuve Congo, toute proche du centre-ville historique, cette gare centenaire ne laisse aucun voyageur indifférent. 

Dans l’aventure du temps, le bâtiment a juste perdu ses colonnettes en fonte et les festons de sa toiture. Elle a gardé cette couleur jaune d’avant, que l’on retrouve sur d’autres bâtiments de l’époque coloniale. L’addition du bleu et du rouge, les couleurs nationales, lui donne un caractère actuel.

À taille humaine, avec de hauts plafonds et de vastes espaces conçus pour conserver la fraîcheur, la gare a conservé ses inscriptions d’époque, ses détails d’angles et de moulures, ses carrelages muraux brillants… Tous sont les témoins d’un savoir-faire dont les Belges tirent encore aujourd’hui une fierté légitime.

Une balustrade en fer forgé accompagne les voyageurs vers les quais dans un escalier monumental et caréné. Les détails traduisent l’art et la maîtrise des maçons d’antan. Les marches de l’escalier, déformées par le temps et les très nombreux voyageurs, témoignent du flux abondant des colons qui empruntaient cette voie de transit à l’arrivée vers la capitale ou au retour vers le port pour rejoindre le navire à destination d’Anvers, au terme d’une mission de travail généralement de trois ans. Le voyage était long. 

Il commençait sur le bief le plus majestueux du fleuve de Matadi à Boma. Puis de Boma à Muanda, avant de déboucher sur l’océan Atlantique. Doublant Dakar, la croisière prenait des airs de Canaries, passait au large du Royaume du Portugal, patrie de Diogo de Cao, navigateur et premier découvreur du Congo. Puis le bateau remontait la côte française de Bordeaux au Havre, passait par le Pas-de-Calais et, enfin, c’était le retour au pays !

Dans les années 1960, le flux de passagers n’a pas faibli. La gare de Matadi est un lieu témoin des foules évacuées d’urgence lors des émeutes post Indépendance, dont la plupart ne reviendront jamais. Témoin aussi d’une époque prospère, puis spectatrice de la zaïrianisation, elle est aussi le souvenir de l’âge d’or de l’ONATRA et d’un certain Palings ; enfin, elle est l’observatrice de son lent déclin.

Matadi est le cordon ombilical de la capitale ; désormais, une série de semi-remorques remplace le train ; « le door to door » s’est imposé, car les produits congelés en container sur wagon ne supportaient pas le déraillement des wagons bloqués pendant une semaine en rase campagne ; dans les années 80, ce furent ceux de Damseaux et son mpiodi (chinchar de l’atlantique « horse maquerel ») quand les Macs de Transmac faisaient la loi sur la route. C’est que la « ville-ventre » de Kinshasa réclamait déjà ses 130 000 tonnes annuelles de poisson congelé ! Mais aussi la viande et les abats en provenance du Brésil, les poules à bouillir, cotis et capas subventionnés de l’Union européenne. 

Ses 150 000 tonnes de farine de blé, ses 30 000 tonnes de sel, et encore le sucre importé qui fit concurrence à la sucrière de Kwilu-Ngongo… concession et compagnie aussi située le long du rail, témoin de l’organisation industrielle de l’ancienne colonie quand le Bas-Congo comptait plus d’une centaine d’industries !

La ligne Matadi-Kinshasa est toujours à voie unique cent trente ans après le premier coup de pioche

Les habitants de Kinshasa, comme ceux de Matadi, commencent à mesurer les bénéfices du voyage en train. Le premier argument est certainement celui de la sécurité. Personne ne vous le dira, mais voyager par la route nationale fait peur à plus d’un Congolais. Longue et étroite, extrêmement sinueuse, la route est surchargée de camions reliant le port de Matadi à la capitale. En semaine, le trafic y est abondant. On y roule vite, les bolides font du zèle, et les transporteurs de toute sorte surchargent exagérément leurs véhicules au péril de leur vie et de celles de leurs passagers.

Mise à l’épreuve des surcharges, la route souffre, se déforme et doit encore endurer les fortes chaleurs. Bref, le danger est à tous les tournants. Emprunter la route nationale exige une grande attention des chauffeurs et des passagers une confiance qui dépasse souvent l’entendement. Nulle comparaison avec le train.

La ligne Matadi-Kinshasa est toujours à voie unique cent trente ans après le premier coup de pioche qui verra le début des travaux de terrassement. Huit ans plus tard, le 16 mars 1898, une première locomotive atteint enfin le Stanley-Pool, actuel Pool Malebo, cet immense lac long d’environ 35 km sur 23 km de large, soit près de 400 km2, à la hauteur de Kinshasa et Brazzaville.

Cette arrivée triomphale récompense des travaux incroyables réalisés au prix d’efforts humains considérables pour surmonter des obstacles naturels aussi multiples que terrifiants.

Tout a commencé un soir de 1885

On mesure mal encore aujourd’hui combien cette folle entreprise, particulièrement ardue tant d’un point de vue technique qu’humain, a désenclavé l’immense plateau central africain. C’est un exploit historique, un événement dont les conséquences n’ont fait que croître depuis lors.

Tout a commencé un soir de 1885, quand le Roi Léopold II s’emporte : « Mais il nous faut ce chemin de fer ! » Commence alors la chasse au premier million de francs. Parler, récolter les applaudissements, emporter des adhésions au projet du royal souverain était agréable et sans doute la tâche la plus facile. 

Mais arracher les souscriptions chez les industriels, les banquiers, les grands commerçants… était une autre affaire ! C’est Albert Thys qui va se coller à la tâche, lui qui se passionne pour les découvertes de l’aventurier anglais Henry Morton Stanley, et qui a très tôt compris les immenses répercutions qu’allait avoir la conquête de l’Afrique centrale. Le jeune trentenaire va jeter toute son énergie pour lever le capital nécessaire à la création de la nouvelle marotte du roi en vue de l’exploitation d’un chemin de fer reliant le Bas-Congo au Stanley-Pool, aujourd’hui l’actuel Pool Malebo. Il marque le début du Congo navigable jusqu’à Kisangani. 

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